Theresa Révay #2

Theresa Révay est une auteure de romans à caractère historique. Si sa plume en a séduit plus d'un, c'est surtout sa proximité avec ses lecteurs qui en font une auteure à part. Elle n'a pas pris la grosse tête, prend le temps de répondre à ceux qui la lisent, ...

Après un premier entretien réalisé en août dernier, je suis donc revenue vers Theresa avec d'autres questions en tête, mais pas que !! C'est avec plaisir que deux autres blogueuses ont accepté de jouer le jeu et de poser elles aussi des questions. C'est peut-être l'occasion de découvrir l'univers de Fanny (Le manoir aux livres) ainsi que celui de Noëlline (La pause librairie).

Je vous laisse donc découvrir cet entretien riche en révélations... :-) 

 

Fanny: D'où vient cet amour pour l'histoire ? 

L'Histoire m'a toujours passionnée. J'avais un père très cultivé qui parlait huit langues et lisait beaucoup. Il m'expliquait toujours les événements présents à la lumière de ceux d'autrefois. Je pense donc que ce goût de l'histoire me vient, en tout premier lieu, de lui.

 

Fanny: Vous brossez souvent le portrait de femmes fortes au caractère bien affirmé. Est-ce que vous vous êtes inspirée de personnes de votre connaissance ou de modèles féminins particuliers ?

Mes personnages féminins naissent de mes recherches. Leurs tempéraments reflètent ceux des femmes dont je lis les "mémoires" ou les journaux intimes, et dont je découvre le destin dans les livres d'histoire. On me reproche parfois de privilégier des héroïnes au caractère bien trempé. Il est vrai que c'est un choix, plutôt que de dépeindre des femmes passives ou broyées par la vie, mais mes héroïnes reflètent toujours une réalité psychologique et sociologique. Elles m'intéressent par leur résilience, leur courage, et me touchent par leur fragilité, le plus souvent cachée, comme dans la vraie vie.

 

Gwen: Passionnée d’Histoire, pensez-vous être née à la bonne époque ? Sinon, à quelle époque auriez-vous aimé voir le jour ?

J'apprécie de vivre à mon époque, dans un pays tel que la France. Je suis reconnaissante pour la liberté, l'ouverture d'esprit. Je regrette peut-être un manque de civilité et une forme de brutalité dans les échanges quotidiens. La politesse, le savoir-vivre, semblent céder le pas à un individualisme marqué. S'il avait fallu choisir une autre époque pour la découvrir, je pense que j'aurais pris les années 1950 et le début des années 60. Mais je suis une femme d'aujourd'hui et je m'en contente pleinement !

 

Fanny: Quelle est votre méthode de travail, votre planning, vos habitudes pour l'écriture de vos romans ?

Je commence par réunir de la documentation concernant les thèmes que j'ai envie d'étudier. Mes premières démarches me mènent à la BnF, à Paris, où je prends mes quartiers deux à trois jours par semaine. Mon inspiration se nourrit de ces études, mais aussi de mes rencontres avec des personnes qui ont un lien avec mes thèmes. Je me déplace ensuite sur les lieux où je continue à mener ce qui finit par ressembler à une enquête. Après un an de travail, je rédige un synopsis d'une dizaine de pages, j'en discute avec mon éditrice, puis je me lance dans l'écriture du roman. Il me faut dix à douze mois pour écrire un livre, à raison de cinq heures d'écriture par jour.

 

Noëlline: Combien de temps avez-vous mis à effectuer des recherches pour l’écriture de La louve blanche ? Et combien de temps pour l’écriture ? Avez-vous rencontré des personnes ayant vécu ce que vous décrivez ?

La louve blanche m'a demandé un an et demi de recherches et un an d'écriture, les deux se recoupant sur quelques mois. J'ai rencontré des personnes qui m'ont parlé de l'histoire de leurs parents ou de leurs grands-parents, et j'ai eu parfois accès à des archives familiales privées.

 

Noëlline: Vouliez-vous dénoncer ou mettre en évidence le changement et le mode de vie de la société (mode vestimentaire, place des femmes, …)

Je ne cherche pas à "dénoncer" les changements de société. Le mot est peut-être un peu fort. Mais j'observe, en effet, l'évolution des moeurs et d'un art de vivre. La guerre de 14-18 a certainement été une rupture majeure dans la manière de regarder le monde et la vie. L'accélération des progrès techniques, la modernité du XXe siècle ont amené des bouleversements profonds. Mais des époques violentes ont toujours existé. La violence, hélas, est une partie intégrante de nos sociétés. Je cherche à placer des personnages au coeur de ces violences historiques en montrant comment ils gardent une part d'humanité en dépit des situations les plus difficiles.

 

Fanny: Admettons qu'un réalisateur vous propose d'adapter La louve blanche et Tous les rêves du monde. Quel serait votre casting idéal?

Pour Xénia Ossoline, pourquoi pas Diane Krüger ? Pour Max von Passau, je suis incapable d'imaginer un acteur dans la peau du personnage, tant la personnalité de Max m'a marquée au fil de l'écriture. L'imagination du romancier, comme celle du lecteur, est active. Nous projetons sur des personnages livresques un imaginaire qui est propre à chacun d'entre nous. Une incarnation au cinéma semble alors un exercice presque restrictif, aussi difficile qu'amusant.

 

Noëlline: Concernant La louve blanche, est-une une histoire d’amour réelle ?

Dans La louve blanche, comme dans mes autres romans, les personnages sont fictifs, donc l'histoire d'amour entre Max et Xénia est inventée, mais elle reflète, me semble-t-il, une réalité possible car leurs caractères sont universels.

 

Noëlline: Auriez-vous eu envie de vivre un amour de ce genre ?

J'aurais beaucoup aimé rencontrer un homme comme Max von Passau ! Je vous avoue que je suis la première à être tombée amoureuse de lui alors que j'écrivais son personnage. Son tempérament, ses réactions, ses chagrins m'émouvaient. C'est le genre d'homme qu'on a envie de rendre heureux. Maintenant, l'histoire d'amour entre Max et Xénia est semée d'embûches, car elle est passionnelle. Pour ma part, je suis moins une passionnée qu'une adepte de l'amitié-amoureuse. C'est mon caractère Verseau qui veut ça :-)

 

Noëlline: Avez-vous eu de mauvaises critiques au sujet de ce roman en raison des évènements très sensibles que vous racontez ?

Quelques lecteurs m'ont demandé de préciser la véracité de certains événements historiques, ce que j'ai fait avec le plus grand plaisir en citant mes sources. Mais la majorité des critiques a été élogieuse et positive, pour mon plus grand bonheur. Je prends le soin de tout écouter et de répondre de mon mieux aux attentes des lecteurs.

 

Gwen: Quelques mois après sa sortie (Oct. 2013), quel regard portez-vous sur L’autre Rive du Bosphore ?

Ce fut un bonheur d'écrire L'autre rive du Bosphore et de créer le personnage émouvant de Leyla. J'ai infiniment apprécié les mois de documentation pour ce roman. Et je suis tombée amoureuse d'Istanbul ! Ce roman m'a nourrie et inspirée, et je garde des souvenirs lumineux de ces deux années de travail. Je suis heureuse que l'accueil de cette histoire soit très positif.

 

Gwen: Les critiques sont assez élogieuses, cependant, avez-vous lu une critique qui vous a blessée ?

"Blessée", heureusement non. Les critiques peuvent parfois faire de la peine, lorsqu'on vous dit que le travail est "superficiel" ou que les personnages sont trop "conventionnels". Mais les critiques, si elles ne sont pas bassement méchantes ou le fruit d'une forme de jalousie, sont toujours constructives.

 

Fanny: Vous faites régulièrement des voyages à la découverte des lieux dans lesquels vont évoluer vos personnages. Quels sentiments ressentez-vous en foulant le même sol qu'eux ?

De la curiosité et de l'émotion, car ces lieux m'inspirent. La topographie ayant souvent changée, je dois faire abstraction de la modernité pour recréer dans mon esprit l'époque que j'évoque. Ainsi, je m'attache à ce qui n'a pas changé : la couleur du ciel, les odeurs, la végétation, les visages des gens alentours... Et j'imagine mes personnages évoluant dans ce contexte-là pour le recréer par la suite.

 

Gwen: Comme le souligne Fanny, vous voyagez beaucoup pour préparer les bases de vos romans ; parmi toutes les villes que vous avez visitées, quelle est celle qui vous a le plus séduite et pourquoi ?

Pour l'instant, deux villes m'ont marquée avec la même force : Berlin et Istanbul. La richesse de leurs passés historiques, le mélange des peuples, l'adrénaline qu'on y ressent me touchent et me transportent. J'aime les villes cosmopolites, les creusets du monde. Toutes deux en font partie.

 

Gwen: Vous revenez d’un séjour à Berlin : cela vous a-t-il donné envie d’écrire une nouvelle histoire dans la même veine que La louve blanche ?

Je porte en moi depuis longtemps le troisième tome d'une trilogie après La louve blanche et Tous les rêves du monde. Pour des raisons de stratégie commerciale, mon éditeur avait préféré que je ne me lance pas dans l'écriture de ce troisième tome, dont l'inspiration m'était venue alors que je rédigeais Tous les rêves du monde. L'auteur est aussi tributaire de ce genre de souci commercial, qu'il ne faut pas négliger. Cependant, un jour, j'aimerais écrire cette histoire et ramener Xénia à Saint-Pétersbourg après la chute du Mur. Ma seule crainte est de ne pas retrouver la "musique" des deux premiers tomes et de désarçonner mes lecteurs. Et surtout, quelle horreur ! de les décevoir. Nous verrons si cela est possible à l'avenir... Je ne sais pas. 

 

Gwen: D’après votre page Facebook, nous pouvons deviner que votre prochain roman aura pour thème l’Italie et l’époque de Mussolini. Vous pouvez nous dévoiler un petit secret qui ne nuirait pas au suspense ?!

Pour l'instant, tout est encore confus dans ma tête. J'ai des intuitions, des éclairs d'inspiration, qui s'évanouissent aussitôt. J'avance dans un brouillard un peu angoissant car je tâtonne. Je tends l'oreille pour percevoir mes personnages. C'est un moment troublant où je me sens funambule. J'ai besoin de faire silence pour laisser naître cette nouvelle histoire. Sur ma page Facebook, en effet, je partage ce "making-of" du roman, car je me suis aperçue que mes lecteurs s'amusent à me suivre dans mes aventures livresques.

 

Fanny: Vous êtes une auteure proche de vos lecteurs notamment grâce aux réseaux sociaux (c'est d'ailleurs un plaisir de suivre vos tribulations) et aux dédicaces. En quoi est-ce important pour vous de partager avec eux et de connaitre leurs avis ?

L'écriture est un travail solitaire. J'apprécie cet isolement avec mes personnages et mon imaginaire, mais lorsque l'histoire est terminée, j'éprouve un grand bonheur à partager avec mes lecteurs mes découvertes et mes aventures. Le partage est un mot qui signifie beaucoup pour moi. J'aime ces rencontres sur ma page Facebook. J'aime aussi parler aux gens lors des signatures et des salons du livre qui me mènent en France et parfois à l'étranger. Cet échange est toujours enrichissant. C'est une joie de pouvoir offrir aux autres les mêmes émotions et parfois le même bonheur que j'ai éprouvés en écrivant. Je suis attentive aux avis et aux critiques positives ou négatives, car je crois qu'on peut toujours s'améliorer. Le regard des autres est important et aide à progresser.

 

Gwen: Si vous n’aviez pas été une auteure à succès, qu’auriez-vous aimé faire ?

À succès ou non, j'aurais toujours écrit. Le monde de l'édition est mon domaine de prédilection. J'ai été traductrice pendant vingt ans. Je suis toujours "lecteur" pour des maisons d'édition. Je suis heureuse d'avoir pu trouver le domaine où je m'épanouis et n'en changerais pour rien au monde.

 

Noëlline: Quel était votre rêve d’enfant ? A-t-il été chamboulé par des évènements aussi importants que ceux que l’on peut lire dans La louve blanche ?

J'ai eu le privilège d'avoir une enfance heureuse. Je n'ai donc pas personnellement vécu des drames comme ceux que je décris parfois dans mes romans. En revanche, mon père a connu l'exil après la Seconde guerre mondiale et, d'une certaine façon, la perte de ses repères. J'ai aussi des membres de ma famille qui souffrent de maladies mentales graves. Depuis l'enfance, je suis consciente que les apparences dissimulent souvent de profondes fêlures.

 

Gwen: Pour finir, quelle est votre lecture actuelle ? Et votre dernier coup de cœur littéraire ?

Je lis en ce moment le merveilleux roman d'Alaa El Aswany Automobile Club d'Égypte. C'est sans aucun doute mon coup de coeur du moment !

 

Un grand merci à Theresa pour avoir pris le temps de nous répondre !!! Un grand merci aussi à Noëlline et Fanny :) 

06 mars 2014

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