Alice Feeney - Parfois je mens

Amber est inconsciente, dans un lit d'hôpital, prise au piège d'un esprit actif mais d'un corps inactif, capable d'entendre et de comprendre, mais incapable de communiquer avec les rares proches qui lui rendent visite ou le personnel soignant. Comment est-elle arrivée là ?

Elle nous livre ses pensées, parfois confuses, alors qu'elle s'efforce de mettre en ordre les morceaux épars de sa vie, plongée dans son monde intérieur.

Mais est-il possible de la croire alors qu'elle se déclare elle-même être un menteuse ?

 

Mon avis: 

 

Il est de ces romans qui sont magistralement écrits, si bien qu'il est nécessaire de se refaire le fil de notre lecture (ou de le relire) pour chercher les indices, analyser les situations et réaliser que malgré ce retour en arrière, l'autrice nous a manipulé à la perfection. 

 

Nous faisons la connaissance d'Amber sur son lit d'hôpital. Clouée dans son lit, Amber entend tout. Elle ne peut pas voir, ne peut pas parler, mais peut nous raconter ce qu'elle entend et ce qu'elle perçoit. Et elle nous raconte aussi ses souvenirs, qu'ils soient vieux ou récents. En fait, deux périodes seulement sont concernées par les souvenirs: 1992 (grosso modo, elle avait une dizaine d'années) puis la semaine précédent son hospitalisation. Amber ne garde aucun souvenir de l'accident, elle remonte le temps avec nous pour nous raconter sa vie, son enfance. 

 

Je ne vais pas en dire davantage, ce serait trop en dire. Sachez seulement que ce roman, qui laisse supposer une histoire tranquille, est en réalité un thriller psychologique que l'on dévore. 

 

La plume d'Alice Feeney - dont c'est le premier roman - est maîtrisée. Elle l'est dans son rythme, dans le dosage des émotions et dans la façon dont elle amène la vérité. Ou les vérités. 

 

"Nous sommes tous les fantômes de ceux que nous espérions être et des contrefaçons de ceux que nous aurions voulu être."

 

On alterne les chapitres, un coup nous sommes en 1992, un coup à l'hôpital (2016), un coup une semaine avant, le tout est savamment dosé pour nous donner envie de poursuivre, chaque chapitre étant assez court. La période 1992 est écrite sous forme de journal intime et cette information prend tout son sens sur la fin. Alors oui, tout au long de la lecture, on se demande à quoi servent ces extraits? On imagine que leur utilité est là, cachée quelque part, on fait donc attention à chaque mot, chaque action, jusqu'à ce que la vérité explose et remette en question quasi toute la lecture. On s'exclame "Mais non?!?!" en souriant de la performance d'Alice Feeney. Des bribes de souvenirs qui troublent le lecteur car, on le sait, Amber ment. Peut-on la croire? Et surtout, à ses côtés, à l'hôpital, nous avons Paul - son mari - et Claire - sa sœur - dont les attitudes laissent planer le doute. Tout est fait pour nous perdre et nous laisser imaginer mille et une raisons pour justifier l'accident dont a été victime Amber. En cela, belle performance de l'autrice qui, jusqu'au bout, va nous surprendre. Car oui, jusqu'à la dernière page, le doute subsiste sur un point et nous frustre un peu! 

 

"Les gens ont tort de penser que le bien est le contraire du mal, il n'est que son image inversée dans un miroir brisé."

 

J'ai donc adoré ce roman qui, selon moi, n'est pas assez reconnu et qui mériterait amplement de l'être. 

 

Amber est une héroïne attachante dans le sens où elle n'a pas la vie facile. Un travail dans lequel elle ne trouve pas sa place et est exploitée, un mari souvent absent avec lequel elle ne parvient pas à fonder une famille, une sœur parfaite qui expose ladite perfection et donne à Amber le sentiment d'être un échec permanent; nous sommes dans l'empathie avec Amber et ne pouvons que compatir. Est ce un sentiment d'infériorité qui l'a conduite a développer un trouble obsessionnel, nous nous posons la question, et vous vous en doutez, la maîtrise de l'autrice pour nous faire languir nous apporte une réponse bien tardivement. Sa relation avec sa sœur semble entachée de points noirs et nous n'en connaissons pas les raisons, si bien qu'on ne sait pas si Claire doit nous être sympathique ou pas. Alice Feeney dépeint une relation basée sur les secrets et si cela peut sembler normal pour des sœurs, il est évident que les secrets sont profonds. 

 

"Il en aura fallu de l'amour pour arriver à tant la haïr."

 

Au fur et à mesure de la lecture, l'autrice nous plonge dans un monde sombre dont les secrets sont rois. Les non-dits, les faux-semblants, les secrets, voilà ce qui rythment la vie d'Amber, de Claire, de Paul. Plus on avance dans la lecture, plus les révélations sont incroyables. Si bien que l'on se demande ce que nous réserve Alice Feeney, et comme je le disais plus haut, une information sur la dernière page nous laisse avec une grosse frustration! Mais le twist final... il est grandiose, à la hauteur de l'intrigue qui se veut sinueuse et qui prend tout son sens. Je dis chapeau à l'autrice car il est certain que des thrillers psychologiques qui retournent à ce point le cerveau, on en a pas beaucoup. La manipulation, aussi bien entre les protagoniste qu'entre l'auteur et les lecteurs, est le point fort de ce roman. Foncez! 

 

Note: 19/20

Coup de cœur! 

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