Camilla Grebe - L'énigme de la stuga

Lykke Andersen mène une vie heureuse, mondaine et épanouie : éditrice accomplie, compagne d’un auteur renommé et mère de jumeaux. À l’occasion de la fête suédoise de l’Écrevisse, elle organise un dîner intimiste dans leur maison en pleine campagne, où sera invitée Bonnie, la meilleure amie des garçons, et plusieurs proches du milieu de l’édition.

En ce doux mois d’août où les orpins et les rosiers éclosent, l’alcool coule à flot et les convives entonnent à cœur joie des chants traditionnels nordiques. Personne ne peut se douter que le lendemain, ce cadre idyllique se transformera en scène de crime effroyable.

Le cadavre de Bonnie est retrouvé dans la stuga, une petite dépendance dans le jardin, où vivent les garçons. Ces derniers nient catégoriquement avoir commis le crime mais il s’avère que la porte était fermée à clé de l’intérieur…

Huit ans plus tard, Lykke est placée en détention provisoire. Face à l’inspecteur responsable de l’affaire, elle va devoir retracer le fil de l’enquête afin de trouver le véritable coupable du crime.

Mon avis: 

 

L'énigme de la stuga est un excellent policier dans lequel se cache une pointe de mystère. J'ai dévoré ce roman en trois jours tant il est addictif. 

 

Roman à deux voix, il alterne aussi les époques: l'actuelle et celle, huit ans plus tôt, lorsque la vie de Lykke, Gabriel, David et Harry a volé en éclat suite à la mort de la meilleure amie des jumeaux, Bonnie. Horrible, une mort l'est toujours, mais à cela s'ajoute le fait que l'un des jumeaux est forcément coupable puisque la stuga (comprenez, petite maison) était fermée de l'intérieur, le corps de Bonnie s'y trouvant, tout comme David et Harry qui y dormaient. Une enquête compliquée, les accusés ayant oublié des moments de la soirée et se renvoyant la balle. L'enquêteur principal - Manfred - ronge sa frustration de ne pas avoir d'aveux ou de preuves. S'ensuit une libération des jumeaux, mais est-ce pour autant que la vie reprend son cours? Pas du tout, d'autres épreuves seront à surmonter. 

 

Comme je le disais, le roman est à deux voix: Lykke et Manfred. J'aime beaucoup cette façon d'écrire car elle permet d'avoir différents points de vue, parfois pour une même scène. Et chaque protagoniste voit la situation avec un enjeu qui lui est propre, si bien que l'approche et la compréhension diffèrent. L'alternance des époques aussi est importante. On ne remonte pas très loin dans le temps, seulement huit ans, mais progressivement, Lykke nous raconte ce qu'il s'est passé.

 

Le roman s'ouvre sur Lykke qui est accusée de quelque chose, de meurtre, on le comprend, mais sans que l'on sache qui elle a tué. Puis, nous repartons dans le passé et ainsi, au fil des pages, alternant le présent et le passé, l'histoire de Lykke se déroule et nous captive. On sent bien que le bonheur était à son apogée dans cette famille qui avait connu le succès grâce au père - un auteur reconnu - et que rien ne pouvait le détruire. Jusqu'à la mort de Bonnie. Et de façon plus contemporaine, Lykke parle avec Manfred, de ce passé difficile et petit à petit, de ce qui l'a amenée en détention. 

 

La transcription de la douleur de cette mère de famille est poignante. On la sent partagée. Ses deux enfants sont accusés de meurtres. L'abîme dans lequel elle coule et duquel elle espère sortir, tous ses sentiments de colère, de doute, sont parfaitement retranscrits, ce qui engendre une réelle empathie. 

 

"La vérité doit être absolue, et elle doit exister en moi, étant donné que les enfants sont une partie de moi. Ils ne peuvent pas avoir porté des pensées sombres, des pensées munies de crocs - sans que j'en aie conscience. Ils ne peuvent pas perpetrer des actions - horribles qui plus est - sans que je sois au courant. C'est moi, me dis-je. S'ils ont tué, je suis moi aussi un assassin."

 

En écrivant son histoire au travers du regard d'une mère, l'autrice s'est assurée de cette empathie quasi inévitable. On pense Lykke, on vit Lykke. On a des doutes aussi, mais comme elle, on se demande s'il est possible d'aimer son enfant qui a tué. Lykke se révèle au fur et à mesure et surprend peu dans ses prises de décisions puisqu'il est évident que, par amour, on peut faire son possible, quitte à manipuler, cacher, mentir, ou se résigner. 

 

La plume, en plus d'être très immersive, est fluide. Un page turner incroyable. L'histoire suit son cours, les pages se tournent, on relève la tête en réalisant que le temps passe, mais c'est pas grave, on continue. Le reste peut (presque) attendre. Une histoire extrêmement poignante tenue en haleine par cette alternance de voix et d'époques. L'autrice prévient qu'elle a pris quelques libertés concernant le système judiciaire, je ne vais donc pas vous dire que le roman pointe des défaillances, cependant, tout n'étant pas noir ou blanc, je pense qu'il y a une part de vérité qui réside en une phrase toute simple: tout le monde fait des erreurs. 

 

S'il est si bon, pourquoi n'est-il pas un coup de cœur?! Camilla Grebe m'a assurément tenue en haleine avec son histoire parfaitement maîtrisée, dont le suspense s'épaissit puis s'éclaircit aux moments opportuns. Cependant, j'avais deviné le nom du meurtrier... Une petite phrase a fait tilt et je me suis dit que ça ne pouvait être que cette personne. Ensuite, l'absence de détails concernant le meurtre de Bonnie est une réelle lacune pour moi. On sait comment elle est morte puisqu'une autopsie a été réalisée, mais il nous manque le déroulé. C'est dommage de ne pas avoir apporté plus de détails, cela aurait donné une épaisseur supplémentaire au drame qui, il semblerait, aurait pu être évité. 

 

Note: 19/20

Écrire commentaire

Commentaires: 0