Dinah Jefferies - La séparation

En Malaisie, la guerre civile fait rage en 1955. Chez les Cartwright, une famille de colons, le départ pour l'Angleterre est imminent : il est devenu trop dangereux de rester. Mais, du haut de ses onze ans, Emma ne comprend pas les raisons qui poussent son père à hâter les préparatifs sans même attendre le retour de sa mère, Lydia. Elle se heurte à un mur de silence et doit bientôt embarquer sur un bateau pour l'Europe avec lui et sa jeune sœur.

Après un séjour passé au chevet d'une amie souffrante, Lydia rentre chez elle pour trouver sa maison vide. Aucun signe de son mari, Alec, ou de leurs filles, ni même des serviteurs. Désespérée, elle se lance dans un périlleux voyage à travers la Malaisie pour retrouver ses enfants, sans se douter que des milliers de kilomètres les séparent.

 

Mon avis: 

 

Les Editions Charleston m'ont proposé cette lecture que j'ai accepté car il y est question de secrets de famille, de voyage, de guerre, des ingrédients que j'apprécie énormément dès lors qu'ils sont bien traités et mis en valeur. Sans oublier le contexte historique assez méconnu pour moi, je me suis dit que je tenais là l'occasion d'en apprendre davantage. 

 

Ce roman vous prend littéralement aux tripes. Il vous remue, vous met la larme à l’œil, vous émeut, vous surprend. Dinah Jefferies n’épargne pas son lecteur en le faisant passer d'une émotion à une autre, une richesse littéraire qui engendre un bel ascenseur émotionnel. A un moment on est dans l'empathie la plus totale quand Lydia découvre sa maison vide, à un autre nous sommes dans l'incompréhension et dans la colère quand on réalise ce que fait Alec, mais nous sommes aussi dans la rage quand Lydia assiste à l'assassinat d'un être cher. Bref, l'auteure joue avec notre petit cœur, et finalement, on aime ça ! 

 

Le roman est structuré de deux façons: d'un côté, nous suivons Alec et ses deux filles - Emma et Fleur - qui quittent la Malaisie, des passages narrés selon le point de vue d'Emma, donc au "je"; en parallèle, nous suivons Lydia dans son parcours mais selon un point de vue extérieur. Ce qui n'empêche pas le lecteur de déambuler dans les méandres de sa souffrance. Imaginez: vous rentrez chez vous et votre famille a disparu... Cette alternance suppose que le personnage d'Emma est de plus grande importance et d'une certaine façon, on peut l'affirmer. Elle ne se laisse pas abattre et continue de croire que sa mère - présumée morte selon son père - est vivante. Lydia est dans le même cas de figure, mais je pense qu'écrire ses passages à la troisième personne du singulier permet de prendre du recul et de ne pas être totalement impliqué dans son histoire. Certainement - et ça nous l'apprenons à la fin - parce que l'auteure elle-même a connu la perte d'un enfant. 

 

Dès le départ, on se demande pourquoi Alec a agi ainsi, pourquoi il ne dit pas la vérité à ses filles, pourquoi tous ces secrets ? La réponse se dessine partiellement au fil des pages et on peut, soit le blâmer, soit le comprendre. Personnellement, je le blâme car la fuite n'est pas une solution et surtout, j'y ai vu un comportement égoïste: soustraire ainsi deux enfants à leur mère pour des histoires qui ne les concernent pas, c'est pas sympa du tout. De la même façon, nous suivons Lydia dans son périple plus ou moins mortel, nous compatissons face au drame qu'elle traverse et nous admirons son courage et son désir de vivre malgré l'absence de ses filles, une vie qu'elle doit accepter quand on lui annonce que celles-ci et Alec sont morts dans un incendie. C'est bouleversant de lire la vie de cette femme qui perd ce sur quoi tout reposait. Nos deux héroïnes féminines sont des personnages au caractère fort et déterminé, des femmes qui ne s'avouent jamais vaincues à moins d'avoir la certitude que tout a été tenté. 

 

L'auteure a maîtrisé à merveille son récit en y incluant une guerre mais sans se laisser dépasser par celle-ci. Certes elle est présente, mais elle ne représente pas un personnage dont il faut suivre l'évolution. Malgré la guerre décrite par Lydia, les souvenirs que relate Emma de ce pays que je ne connais pas donnent envie de le découvrir. Même si l'histoire se passe au milieu des années 1950 et que le pays a assurément changé, les descriptions et les sensations évoquées par l’aînée de Lydia transportent le lecteur. Les multiples rebondissements rythment agréablement le récit et nous tient en haleine. J'ai aimé que l'histoire de Lydia ne soit pas d'une grande simplicité. On constate que l'auteure a mûrement pensé son histoire en mettant aussi en avant les moyens de communications compliqués à cette époque et en cette période. 

 

Une excellente lecture, merci aux Editions Charleston pour leur confiance renouvelée. La séparation frôle le coup de cœur, des détails font qu'il passe vraiment tout près (que devient Adil, par exemple). 

 

Note: 17/20

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