Kathleen Winsor - Ambre

Dans l'Angleterre de la fin du XVIIIe siècle, une gamine sans père ni mère, presque sans nom (Ambre a tout l'air d'un sobriquet de théâtre), décide d'user de ses charmes - son seul bien au soleil - pour conquérir le monde.

Gloire, honneurs, fortune, plaisirs : il lui faut tout. Et l'immoralité de l'époque aidant, elle aura tout, taillant à vif s'il le faut dans la chair de ses rivaux et rivales - qui lui donnent joyeusement l'exemple, puisque du haut en bas de l'échelle sociale tout n'est qu'intrigue, trahison, mensonge, dépravation.

 

Mon avis:

 

Nous sommes avertis !!

 

Ambre, jeune paysanne, est belle, ambitieuse, mais ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est voir la petite flamme du désir qu'elle anime dans le regard des hommes. Elle rencontre Lord Carlton en 1660. Dès lors que leurs yeux se croisent, le coup de foudre la fige sur place. Elle va réussir à convaincre Bruce Carlton de l'emmener à Londres. Sur place, ils vont vivre leur amour en attendant le retour du roi Charles II. Mais Bruce Carlton n'est pas homme à rester en place: il veut conquérir le monde, et surtout l’Amérique, via les océans. Ambre, malheureuse de le voir partir, va vivre pendant dix ans au gré de ses absences et de leurs retrouvailles. Dès lors que Bruce pose le pied sur le sol londonien, ils se retrouvent et oublient, pendant un temps, le fait que jamais, ils ne pourront vivre pleinement cet amour en l'officialisant par un mariage. Comme dit Bruce, "elle est une femme que tout homme aimerait avoir pour maîtresse, mais jamais comme femme!". Seulement, Ambre ne va jamais s'avouer vaincue, même quand Bruce viendra présenter sa femme à la cour du roi. Non, elle continuera de supplier Bruce, qui cédera, jusqu'au dérapage de trop.

 

Lors de sa parution en 1946 (en France - 1944 en Angleterre), ce roman a connu un succès si fulgurant qu'il s'est rapidement classé comme best-seller. Cependant, le caractère sensuel de l'héroïne le condamne pendant un temps, si bien qu'il se retrouve classé comme œuvre érotique. Véritable électron libre dans une société où les codes sont sévères, Ambre a choqué le lectorat d’après-guerre. Quelle erreur, vite réparée !! En réalité, Ambre, c'est bien plus que cela.

 

C'est un roman qui dépeint la société londonienne des années 1660, avec ses travers, ses avancées, ses fêtes, ses angoisses, ... Grâce au magnifique travail de recherche de l’auteure, nous nous trouvons littéralement aux côtés de personnages. Pas de surplus, juste ce qu’il faut pour qu’on l’on soit immergés et que l’on ait l’impression de jouer aux dés avec eux ou de faire des achats au Nouvel Exchange. Certains chapitres nous racontent la vie au sein de Whitehall, des chapitres riches d’anecdotes qui nous en apprennent un peu plus sur la vie de Charles II, de lady Castlemaine ou du duc d’York.

 

Aux côtés d'Ambre, nous allons donc revivre le retour à la royauté en Angleterre. Une véritable fresque historique qui nous plonge dans de sordides moments tels que la peste (1665) ou le grand incendie (1666).

 

Petite provinciale, Ambre ne va pas hésiter à se servir de la seule choses qu’elle possède, son charme, pour arriver au but ultime: devenir la maîtresse du roi. Ses charmes qui d'ailleurs, lui permettront de toujours arriver à ses fins, que ce soit pour sortir de la prison de Newgate ou pour se faire épouser d'un vieil homme sur le point de mourir.

 

C'est certainement l'un des éléments jugés choquants à la sortie de la guerre: une jeune femme qui n'hésite pas à user et abuser de sa beauté dans l'unique but de se faire épouser afin de devenir comtesse !! Non mais quelle honte ! Car il est vrai qu'Ambre écarte un peu trop facilement les jambes et le fait parfois contre rémunération. Aujourd'hui, cela choque et porte un nom, mais pour l'époque, la pratique était courante. De même qu'un homme qui reste fidèle à sa femme était une véritable abomination. Non, plus un homme a de maîtresses, plus il est en vue. Même chose pour une femme. Ambre a vite compris les rouages de la mécanique qui doit lui permettre d'atteindre le sommet. Avide de richesse et de pouvoir, elle n'a aucun remord quand il lui faut tuer (l’un de ses maris) ou quand il s'agit de se faire avorter si l'enfant qu'elle porte n'est pas celui d'un homme qu'elle aime. Au final, elle n'aura que trois enfants: deux de Bruce et un du roi.

 

Adulée par la gente masculine, haïe par la gente féminine, Ambre a toujours su "manipuler" un homme. Néanmoins, un seul l’intéresse : Lord Bruce Carlton. Elle est tombée amoureuse de lui à 16 ans et malgré tous ses maris et amants, elle lui sera éternellement fidèle. Dévorée par cet amour, Ambre va réaliser des actes odieux et inconsidérés dans le but d’attirer pour de bon l’attention de Bruce. On peut se demander si cet amour est à sens unique ou non ? Selon moi, il l’aime, il n’y a pas de doute là-dessus. Seulement, Bruce est plus âgé qu’elle (douze ans), il revient en Angleterre pour le retour du roi, mais surtout pour réaliser ses rêves de conquêtes. Il pense que l’Angleterre n’est plus une terre d’avenir, celui-ci se trouve en Amérique. Dès le début de leur rencontre, il prévient Ambre que jamais il ne l’épousera. Obstinée, Ambre n’a de cesse de croire qu’il changera d’avis. Et finalement, bien qu’elle se montre très souvent sans scrupules, on lui pardonne toutes ses bêtises car on sait que l’amour et le désir peuvent nous faire faire n’importe quoi. Certes, on a parfois envie de frapper Bruce afin de lui remettre les idées en place, il nous énerve, mais on lui pardonne car on retombe sous le charme en même temps qu’Ambre.

 

L’écriture du roman est parfaite. On ne se lasse pas, les rebondissements sont nombreux et le lecteur tenu en haleine jusqu’au bout : que vont devenir Ambre et Bruce ? Une grande question pour laquelle nous devons imaginer la réponse puisque, à mon grand regret, la fin nous laisse un goût amer. SPOILER En effet, agacés par les manigances et le comportement d’Ambre, Buckingham et Arlington vont lui faire croire que la femme de Bruce est morte lors d’un voyage en bateau. Sans réfléchir, Ambre plie bagages et quitte Whitehall. SPOILER Cette fin nous laisse supposer que, peut-être, l’auteure avait prévu une suite ? Toujours est-il que le lecteur doit s’imaginer la suite de leurs aventures.

 

Si la morale d’Ambre est parfois condamnable, cela ne nous empêche pas de l’aimer et de l’admirer. Toutes les femmes se retrouvent forcément un peu en elle. Qui n’a pas, une seule fois, joué du regard pour obtenir quelque chose ?! Dans ce monde où les femmes sont de vraies vipères, Ambre va déployer tout son talent et toute sa ruse pour éliminer ses rivales les unes après les autres. Seul l’amour qu’elle porte à Bruce va l’empêcher de tomber dans un piège. Cet amour justement que l’on trouve attendrissant, touchant, qui fait qu’elle garde toujours une lueur d’espoir et sort victorieuse des galères dans lesquelles elle se trouve. Bruce est continuellement dans son esprit, son souvenir l’aide à tenir et lui permet de passer outre ses absences parfois trop longues. Les enfants qu’elle a de lui la rassure, lui laisse entrevoir la possibilité qu’un jour, ils forment une famille.

 

Selon moi, ce roman est indispensable à chaque bibliothèque. A ne pas classer dans la catégorie "roman à l’eau de rose", il trouvera sa place au sein des grandes romances historiques, telles que Autant en emporte le vent. Un film de Otto Preminger (que je n’arrive pas à trouver !), s’est inspiré de ce roman. Presque 70 ans après sa sortie, on peut dire qu’Ambre est un grand classique !

 

Note: 19/20

   Coup de cœur !

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Commentaires: 2
  • #1

    le livre-vie (jeudi, 16 juin 2016 07:55)

    Voilà un roman qui pourrait me plaire! J'en avais lu un autre de la même collection, sur un sujet similaire, qui m'avait beaucoup plu (la Rose pourpre et le Lys). Merci pour la découverte!

  • #2

    Les Mots de Gwen (jeudi, 16 juin 2016 12:57)

    Le titre dont tu parles me dit quelque chose même si je ne l'ai pas lu. Je vais aller voir ça de plus près!
    J'espère que tu auras l'occasion de lire celui-ci qui est superbe :-)