Bret Anthony Johnston - Souviens-toi de moi comme ça

Cela fait quatre ans que le jeune Justin Campbell a disparu sans laisser de trace.

Fugue ? Kidnapping ? Accident ?

C’est une véritable tragédie pour sa famille qui, faute de certitudes, cherche des échappatoires : sa mère s’est prise de passion pour la protection des dauphins ; son père a une liaison ; et son frère passe ses journées à faire du skateboard dans la piscine à sec d’un motel abandonné. Lorsqu’enfin Justin réapparaît, loin de retrouver un équilibre, sa famille se divise davantage, écrasée par la culpabilité et le désir de faire justice elle-même.

 

Mon avis: 

 

Je remercie énormément les Editions Albin Michel pour cette découverte qui, en toute franchise, se passe de mots. Disons qu’il m’est difficile de trouver les mots justes pour vous en parler, si bien que je m’excuse si ma chronique vous semble décousue.

 

Le résumé étant suffisamment explicite, je ne vais pas revenir dessus. Je vais plutôt vous parler de ce qui m’a marquée dans ce roman qui est assez épais en terme de pages (438 pages), mais qui l’est davantage en terme d’émotions dites, sous-entendues, murmurées, cachées. Ce roman c’est tout simplement un condensé d’émotions magnifiquement mené de façon à ce que le lecteur ne se perde pas dans cet ascenseur émotionnel qui peut sembler déroutant.

 

Avec Souviens-toi de moi comme ça, Bret Anthony Johnston décide d’explorer l’après d’une disparition. Un point peu évoqué dans les romans (en tous cas, je n’ai pas le souvenir d’en avoir lu), un point sensible car, si la disparition d’un enfant est un drame en soi  - d’autant plus que les parents de Justin sont restés dans l’incertitude, le corps n’ayant pas été retrouvé – le retour dudit enfant est une étape tout aussi difficile car il s’agit de se reconstruire.

 

"Mais si quelque chose peut-être perdu, songea-t-il, alors cette perte n’est qu’une question de temps. Donc elle a déjà plus ou moins eu lieu."

 

Pendant quatre ans, Laura (sa mère), Eric (son père), Griff (son frère) et Cecil (son grand-père) ont vécu sans lui. Si au début l’absence est dure, elle devient presque une habitude, une absence qui peut être qualifiée de présence tant son poids pèse au sein de la famille. Justin est retrouvé et contrairement à ce que je pensais, l’auteur ne nous parle pas de ce qu’a vécu Justin. Tout juste nous savons qu’il se trouvait à quelques kilomètres seulement de son domicile familial. Non, l’auteur explore les failles de ses personnages, les cassures qu’ils tentent de combler, les manques à oublier (car on ne peut pas fêter tous les anniversaires passés, par exemple), les questions qui hantent chacun d’eux. Chacun d’eux, justement, tente d’aider Justin à sa manière. Et de s’aider eux-mêmes. Si Laura a trouvé un dérivatif à son mal de vivre en se portant volontaire pour surveiller un dauphin malade, Eric lui a trouvé une maîtresse. Tout ce sur quoi reposaient leurs certitudes est à reconstruire car le retour de Justin marque un nouveau départ.

 

"Un rêve, à l’intérieur d’un cauchemar lui-même emboîté dans un autre cauchemar. Une permission de s’absenter de la souffrance. Une douleur si profonde et intense que l’on avait envie de s’ouvrir les veines pour laisser le sang s’écouler, dans l’espoir de diminuer la pression. (…) Elle le voyait partout. Absolument partout. Même s’il n’était pas là, elle le voyait quand même."

 

J’ai aimé la construction du roman qui alterne les points de vue entre Griff, Laura, Eric et Cecil. Chacun a un regard sur la situation. Et chacun cherche le moyen de se racheter. Le changement de point de vue est intéressant car un père ne vit pas la situation de la même façon qu’une mère, ainsi l’auteur nous permet de virevolter au sein de leurs pensées sans nous étouffer car, et là je ne porte pas de jugement, j’avais parfois le sentiment de déprime quand je lisais les passages concernant Laura. D’un côté c’était déprimant, d’un autre je comprenais ses multiples interrogations concernant l’expérience de son fils qui est tabou. Et je comprends aussi Eric au sujet de sa décision. Peut-être parce que je suis maman, peut-être pas, quoi qu’il en soit, j’ai apprécié que l’auteur ne tombe pas dans le larmoiement qui aurait conduit son roman vers une issue pathétique. Non, les actions sont mesurées, décidées et maîtrisées.

 

Les personnages sont très bien décrits, facilement identifiables et peu nombreux. Chacun apporte quelque chose au roman et tous possèdent une part de mystère. Pour moi, les plus mystérieux sont Justin et Cecil. Le premier car on s’interroge forcément sur la façon dont il vit son retour (et nous n’avons aucune information, les rendez-vous psy ne sont pas narrés, aucune question de la part de la famille, peu de confidences), et le deuxième car on cherche à comprendre la distance qu’il met en place après le retour de son petit-fils. Cependant, les autres ne sont pas en restes et sont même très attachants, surtout Griff qui continue de vivre sa vie d’ado malgré la situation.

 

"Qui serait le premier à parler de lui au passé ?"

 

Avec des mots justes et surtout très sensibles, Bret Anthony Johnston nous dépeint le portrait d’une famille à la dérive qui va chercher à se reconstruire tout en devant faire face au ravisseur de son fils, un homme connu, un voisin, un homme dont finalement nous ne connaissons rien des motivations puisque pas une seule fois il n’intervient dans le récit. Ce roman interpelle et nous pousse à nous interroger sur la notion de justice – peut-on faire justice soi-même si la justice légale ne nous donne pas satisfaction ? – mais aussi sur le pardon envers soi-même, souvent le plus difficile à réaliser. Un mal qui ronge et ne trouve sa guérison que dans un ultime acte… de justice… ou pas. 

 

Note : 16/20

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Commentaires: 4
  • #1

    Léa Touch Book (lundi, 23 mai 2016 16:22)

    J'ai adoré ce livre :)

  • #2

    Les Mots de Gwen (lundi, 23 mai 2016 16:35)

    A dire vrai, je sais qu'il manque quelque chose pour qu'il soit un coup de cœur, mais je ne sais pas quoi... Je le trouve déjà tellement riche! Un très bon moment livresque :-)

  • #3

    Cassandre (lundi, 23 mai 2016 18:30)

    Je vais bientôt le lire, j'ai hâte !

  • #4

    Les Mots de Gwen (lundi, 23 mai 2016 21:57)

    Je te souhaite un très bon moment de lecture :-)