David Foenkinos - La délicatesse

François pensa : si elle commande un déca, je me lève et m’en vais. C’est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n’est guère mieux. On sent qu’on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents.

Finalement, il se dit qu’un jus, ça serait bien.

Oui, un jus c’est sympathique. C’est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée.

Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l’orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Le jus d’abricot, c’est parfait.

Si elle choisit ça, je l’épouse… 

- Je vais prendre un jus… Un jus d’abricot, je crois, répondit Nathalie. 

Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité.

 

 

 

Mon avis:

 

Une histoire, somme toute, pas très originale, mais parfaitement bien racontée… Comme beaucoup, j’ai vu il y a trois ans le succès monstre qu’a été La délicatesse. Et pour être honnête, je n’avais qu’une vague, très vague idée, du thème : sentimental. Donc, autant le dire, pas très clair ! Je me suis - enfin - laissée tenter et l’ai acheté. Mon avis ? Bien, mais…

 

Nathalie et François, c’est le coup de foudre ; un coup de foudre qui engendre un amour passionnel. Pendant sept ans, ils vont s’aimer, vivre l’un pour l’autre, se surprendre, se marier, faire des projets, … Jusqu’à ce que François trouve la mort dans un accident. Là, je me suis dit "Quoi ???". Je n’imaginais pas une seconde que ce roman allait être triste. Ça ne m’a pas découragée pour autant, j’ai continué. Après la mort de son mari, Nathalie passe naturellement par différentes phases et trouve refuge dans son travail. Pendant trois ans, elle ne vivra que pour lui et n’aura de cesse de repousser les petites avances de son supérieur. C’est alors que Markus - l’invisible, le pas très joli Markus - fait son apparition dans le quotidien de Nathalie. Elle qui s’était renfermée sur elle-même va apprendre à s’ouvrir grâce à lui. Mais elle va aussi découvrir qu’un homme qui désire quelqu’un peut faire n’importe quoi.

 

Un roman simple et beau qui traite de la reconstruction de soi et de sa vie après un drame.

 

David Foenkinos possède le don (si je puis dire !) de nous faire sourire avec une histoire triste et simple. Malgré le décès de François, le roman n’est pas pathétique et autant le dire, on ne verse pas de larmes. On suit Nathalie qui tente de surmonter ça, sans que l’auteur la laisse s’apitoyer sur son sort. L’atout principal de l’auteur, et c’est ce qui fait son charme, c’est son écriture : une certaine légèreté qui s’entremêle harmonieusement avec une pointe de gravité. Il nous donne l’impression, parfois, de devoir réfléchir et d’imaginer quelle serait notre réaction à la place des personnages. Et il y a l’humour ! Un humour qu’il transmet aussi bien dans certaines actions que dans la mise en page (les petites notes en bas de page - bien que celles-ci soient parfois un peu inutiles selon moi).

 

Le point positif, c’est dit ! Passons maintenant à ce qui m’a un peu… dérangée.

 

Le sujet de base - la reconstruction après le décès d’un être cher - est selon moi trop peu abordé. Ou alors, avec trop de légèreté. Quitte à ce que le roman fasse une trentaine de pages en plus, il aurait été sympa d’en lire davantage sur l’effondrement et la solitude de Nathalie. C’est comme si l’auteur avait voulu se concentrer davantage sur l’histoire impossible entre Markus et Nathalie. A la rigueur, il aurait été plus simple de commencer le roman en disant que suite à la mort de son mari, Nathalie s’était réfugiée dans le travail et bla bla bla… La fin aussi me laisse un goût d’inachevée. Pour le coup, il aurait fallu continuer encore un peu !!

 

La délicatesse parle d’amour, ça on l’a compris, mais plus précisément, il oppose deux amours : l’amour passion qu’est François, et l’amour réfléchi qu’est Markus. Seulement, à aucun moment, Nathalie ne semble regretter son défunt époux. J’imagine qu’une ou deux répliques du style "Qu’en penserait François ?" ou "François aurait fait ceci" n’auraient pas été de trop. Ça rejoint un peu l’idée que le thème a été abordé de façon trop légère.

 

Le titre… En effet, quand on lit le roman, c’est avec une certaine délicatesse ! Nathalie semble être une personne délicate (son aspect gracieux), tout comme Markus (il réfléchit beaucoup avant d’agir) qui, en plus, semble une être une personne un peu empotée !

 

Cela dit, si l’on ôte les points que je viens de soulever et qui peuvent donner l’impression que ce roman est creux, je pense sincèrement que La délicatesse et un joli roman de par son écriture ; voici deux phrases (faut bien faire une sélection !) que j’ai retenues : "On vit sous le diktat des désirs des autres. Nathalie et François ne voulaient pas devenir un feuilleton pour leur entourage. Pour l’instant, ils aimaient l’idée d’être deux, seuls au monde, dans le plus parfait cliché de l’aisance sentimentale." et "On peut penser parfois à tous ces artistes qui meurent, se demander quelles auraient été leurs œuvres s’ils avaient survécu ? Qu’aurait composé John Lennon en 1992 s’il n’était pas mort en 1980 ? Ainsi : quelle aurait été la vie de cet enfant qui n’existerait jamais ? Il faudrait penser à tous ces destins qui échouent sur les rivages de leur possibilité." C’est pour cette écriture à la fois travaillée, humoristique et décalée que je sais que je vais relire un David Foenkinos.

 

Note: 13/20

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